Textes d’Hugues de Balma[1]

On ne sait rien de l’auteur, sinon qu’il fut prieur de la chartreuse de Meyriat, en Bresse, de 1289 à 1304. [TM, 11]. Il est remarquable par son optimisme – caractère commun à l’époque précédant la grande peste qui ravagea occident et orient.

La Théologie mystique fut composé entre 1272 et 1297 [TM, 12]. Elle est divisée en cinq parties : « Prologue » (après un appel à quitter l’humaine curiosité et les manuscrits ou « quaternions en peau de mouton » pour rechercher la science « écrite dans le  cœur », Balma présente son plan et résume en quelques traits les trois voies) ; « voie purgative » (, illuminative, unitive ; question difficile.

 

PROLOGUE

1. « Les chemins de Sion pleurent, parce que nul ne vient plus à sa fête (Lam 1, 4) » Bien que le prophète Jérémie, déplorant sans cesse la captivité de son peuple, ait prononcé cette parole, tout observateur intelligent qui perçoit clairement dans le monde entier une captivité si grande des âmes, un éloignement si grand des sentiers de la justice et des voies de l'équité, peut la dire. Sont en effet appelés voies » les désirs des âmes aiman­tes. Elles habitent encore un corps mortel et ces désirs les soulèvent en direction de Dieu et de la cité céleste, Jérusa­lem, au-dessus de toute raison et de tout intellect. On dit qu'elles pleurent en quelque sorte, parce que nul ne prête attention à une si grande fête, parce que, la vraie sagesse ayant été rejetée, le clerc et le peuple se plongent dans les délices du monde et les curiosités inutiles. Mais ce qu'il faut déplorer bien plus et ce sur quoi il faut toujours se lamenter en versant les larmes du cœur, c'est que de nombreux religieux ainsi que de nombreux hommes tenus pour fameux se sont soumis aux idoles fabriquées, comme jadis le peuple d'Israël après avoir abandonné le culte de son Créateur.

[127] De fait, Dieu n'a pas créé l'âme pour qu'en sens contraire de sa propre généro­sité elle se rassasie d'une multitude de quaternions en peau de mouton, mais pour qu'elle soit le siège de la sagesse sur lequel s'assoirait le roi pacifique de la cité céleste, à savoir le Très-Haut. Car cette sagesse que l'on appelle théologie mystique, que l'apôtre Paul exposa, que son disciple, le bienheureux Denys l'Aréopagite, rédigea, s'identifie à l'extension vers Dieu par le désir de l'amour; et autant que l'orient est distant de l'occident, elle l'em­porte incomparablement en excellence sur toute science créée. En effet les docteurs du monde enseignent les autres sciences mais l'esprit est instruit de celle-ci par Dieu seul, immédiatement; il ne l'est pas par un homme mortel.

3. Cette science est écrite dans le cœur par des illumina­tions divines et des influx cé­lestes; l'autre l'est sur du parchemin au moyen d'une [129] plume d'oie et d'encre. Elle dit: « Il suffit », car l'esprit découvre par elle la cause de toutes choses, à savoir Dieu son Créateur, et en lui, qui est la source de toute bonté et de toute béatitude, elle trouve son repos absolument sans intermédiaire. L'autre ne dit jamais : « Il suffit », car il est juste que celui qui ne se soucie pas de la sagesse suprême s'écarte de la vérité suprême, soit, tel un aveugle, enve­loppé de ténèbres, et qu'ainsi l'âme que diverses erreurs mêlées aux connaissances humaines rendent insensée coure çà et là. Elle enflamme l'affectivité et elle illumine l'intellect. Très souvent l'autre gonfle le cœur vide de la vraie sagesse et enténèbre l'intellect d'opinions variées et de diverses erreurs. Abandonnée l'humaine curiosité que captivent les arguments et les conjectures d'une science inutile, l'âme religieuse s'élève donc en désirant, par l'ascension de l'amour, vers la source de toutes choses en laquelle seule elle découvrira la vérité. Une fois cette perle trouvée, qu'elle abandonne très librement et avec grand soin le reste pour garder cette science qu'elle aima autrement qu'il ne faut ou qu'elle n'aima jamais.

4. Mais l'homme ne peut en­seigner cette sagesse suprême. On ajoute donc comment chacun, si laïc soit-il en l'école de Dieu, la reçoit immédiatement de lui, au-dessus de tout intellect, par le sentiment de l'amour.

[131] 5. Cette voie vers Dieu est donc triple : voie purgative, qui dispose l'esprit à apprendre la vraie sagesse ; voie illuminative, qui par la ré­flexion éclaire l'esprit en vue de l'embrasement de l'amour ; voie unitive enfin, par laquelle l'esprit, par Dieu seul qui l'élève, est dirigé au-dessus de toute raison, de tout intellect, de toute intelligence. En effet, lors de la construction de ces ponts [note : les ponts que montre Hugues de Balma et que ses auditeurs peuvent apercevoir], nous voyons dresser un sou­bassement de bois pour assurer la solidité du mur de pierre que l'on construit dessus ; l'édifice achevé, on le fait totalement disparaître. Il en est ainsi de l'esprit. Imparfait d'abord en amour, il s'élève par la réflexion vers la perfection de l'amour et quand de nombreux exercices l'auront confirmé en l'amour unitif, élevé au­-dessus de soi par la droite de son Créateur, grâce aux nombreuses affections ou aspirations enflammées de l'amour, plus rapidement qu'il ne pourrait le penser, sans aucune connaissance réflexive préalable ou concomi­tante, chaque fois qu'il lui plait, cent ou mille fois, de jour ou de nuit, il est charmé en Dieu, en aspirant par des désirs innombrables à le posséder lui seul.

6   [133] …il monte régulièrement en s'exerçant dans la voie illuminative. Celle-ci commence ici : « Nuit, mon illumination dans les délices. » L'âme s'élève ensuite à un degré et à un état beaucoup plus éminent en lequel chaque fois qu'elle le veut, sans aucune connaissance réflexive préalable, elle est immédiatement charmée en Dieu. Cela, nulle industrie humaine ne peut l'enseigner parfaitement.

[135] 7. S'exerçant ainsi en suivant les voies purgative et illuminative, l'âme expéri­mente - Dieu seul la dirige et l'enseigne de l'intérieur - ce qu'aucune science ou langage mortels ne peuvent dévoiler. Ni Aristote en effet, ni Platon, ni un mortel, ni une philosophie ou une science ne peuvent et n'ont pu comprendre ce dont l'amour seul instruit intérieure­ment : que toute âme raisonnable apprenne à obtenir du docteur suprême et éternel la science où font défaut toute raison, toute science, tout intellect, où surnage l'affecti­vité [adfectus] - que l'amour dispose et qui transcende toute l'intelli­gence humaine, - la seule règle de l'amour unitif orien­tant l'esprit vers celui qui est la source de toute bonté. Telle est donc la théologie mystique, c'est-à-dire l'entre­tien secret, divin, de l'esprit préparé par l'ardeur de l'amour, avec le Christ, son bien-aimé, dans la langue des affections.

9. [141] …de même que d'un unique point central procèdent des lignes pour ainsi dire infinies, de même, une fois compris le petit nombre de mots ici expliqués qui instruisent l'esprit de la façon dont il doit s'unir à Dieu, une fois établi en sa fine pointe, de la même façon il découvrira alors expérimentalement l'ori­gine de toute sagesse. […] En dernier lieu, est ajoutée une dispute dirigée contre les demi-savants qui attaquent cette sagesse suprême et soutiennent qu'en aucune façon l'affectivité ne se met en mouvement, si ce n'est en méditant au préalable et en réfléchissant. On y réfute leur erreur à l'aide d'autorités et de raisons et on y explique plus efficacement la vérité de cette sagesse, à savoir que l'âme expérimente qu'elle est élevée au-dessus d'elle-même chaque fois qu'elle le veut sans intermédiaire ni discernement préalable, mais uniquement par le char de l'amour. La raison ne le comprend pas, l'intellect ne le considère pas ; il est dit alors : « Goûtez et voyez. »

LA VOIE PURGATIVE

2. [149] Ainsi lui faut-il être totalement abaissée pour que l'humiliation du débutant lui-même provoque la clémence de Dieu, autant que le mépris de celui-ci attira sur lui la condamnation divine pour ses péchés antérieurs. Justice : ses péchés l'exigeant, cette âme changea parfois la délectation du Créateur en délec­tation de la créature. Il faut donc qu'elle s'afflige ou du moins s'afflige de ne pas s'affliger, au point qu'il paraisse être quelque peu satisfait à l'injure faite à Dieu, selon son propre jugement, mais pourtant avec miséricorde, eu égard à l'injure humaine conformément à cette parole : « Autant elle s'est glorifiée et plongée dans les délices, autant donnez-lui de tourment et de deuil. » Ainsi, en accord avec la règle de l'art médical, par les deux contraires, de l'humiliation d'une part qui s'oppose au mépris antérieur et d'autre part de la douleur des péchés qui s'oppose à la délectation antérieure, l'âme, naissant pour ainsi dire de nouveau, sera unie par le lien d'un amour très ardent à celui qui est la majesté suprême et la bonté indéfectible. On doit donc dire comment par une sorte de juste nécessité sont acquises humiliation et douleur en ce qui touche aux péchés.

3. Cette voie de purifica­tion semble à certains une voie d'enfance, surtout si on la compare aux suivantes. Cependant, si l'esprit attentif et vigilant qui se dispose à s'occuper des choses divines ne parcourt pas ladite voie, il ne pourra jamais en la vie présente s'élever pratiquement à la connaissance des réalités divines ou de Dieu ni à l'ardeur de l'amour unitif. Il ne pourra non plus être éloigné de ces choses inférieures qui dévorent leurs possesseurs.

[153] 4. Afin que la douleur acca­ble plus intensément l'esprit, que pour sa confusion et son humiliation il se souvienne d'abord en général, puis en détail, très attentivement devant Dieu, du mieux qu'il pourra, des bienfaits qui lui furent divinement accordés et pour lesquels il s'est montré ingrat ; qu'il se souvienne en premier lieu que Dieu le créa de rien et fit de lui une créature de si noble espèce: « Seigneur, dira-t-il, ne m'as-tu pas produit en un être si noble à ton image, alors qu'auparavant je n'étais rien, pour que je te possède présentement par la grâce et te contemple face-à-face dans la gloire ?

[171] 12. Mais pour obtenir la réalisation de son désir, il faut que l'esprit imite l'influence divine elle-même. Le soleil spirituel de Jérusalem, la cité d'en-haut, illumine, autant qu'il est en lui, les bons et les méchants des rayons de sa bonté. Ainsi, il faut prier de toutes ses forces la clémence du Créateur non seulement pour lui-même ou pour ses proches, mais pour tous ceux que marque l'image de la très bienheureuse Trinité, afin que, de même qu'il les a tous créés et rachetés, il daigne subvenir avec miséricorde à tous sans distinction. De la sorte incontestablement, il provoquera plus rapidement la miséricorde divine, dans la mesure où il aura suivi les traces du Créateur de toutes choses et du Rédempteur de tous les mortels qui répand avec largesse son amour sur tous. Parfois certes, pour une heure, la demande de celui qui prie se concentre particulièrement sur lui-même ou sur d'autres, bien qu'il soit toujours dans la nature de l'amour de se répandre; mais rempli de sollicitude, celui qui prie choisira pour autrui la même manière affectueuse qu'il choisit pour soi, autant qu'il est possible à sa peti­tesse, disant : « Bon, beau, seigneur, doux, miséricordieux, aie pitié de tous les pécheurs que tu as rachetés… »

LA VOIE ILLUMINATIVE

1. Mieux et plus, le rayon du soleil matériel se tient immobile devant la fenêtre sans jamais rétrograder, sans jamais se détourner de sa bonté naturelle, et il éclaire aussitôt l'intérieur d'abord obscur de la maison quand on lui a ouvert ; ainsi le vrai soleil de la justice éternelle de la cité céleste, dont le soleil matériel est la similitude ou l'image obscure, n'attend rien d'autre, immobile à la porte du cœur, si ce n'est que par un essuyage purificateur un accès lui soit préparé pour se reposer heureusement en l'esprit comme dans un lit, enseignant l'âme, sa fiancée, par les irradiations des splendeurs spirituelles : ainsi de la part de celui qui accueille et de la part de celui qui se répand, l'irradiation spirituelle suit la purification.

2. Cela devient manifeste, en second lieu, par le lien qui unit des réalités distantes. Il est dit, en effet, au livre de la Sagesse: «« La sagesse elle-même est le resplendis­sement de la lumière éternelle et le miroir sans taches. » Une certaine conformité assimilatrice doit donc exister, lorsque l'esprit humain est uni de l'union d'un véritable amour au resplendissement de la lumière éternelle, de telle sorte que, tout nuage enténébrant écarté de lui au préalable, il devienne pareil à un miroir sans tache.

5-6. [183] De même en effet que par les rayons du soleil qui brillent dans l'air, et non par quelque autre lumière sensible, l'œil matériel est stimulé à contempler le soleil, de même, par les rayons qu'envoie le soleil spirituel et non par quelque autre discipline, science, industrie de docteur mortel, l'œil de l'intelligence est élevé à la connaissance des réalités cachées supra-célestes. Le bienheureux Denys en parle à Tite. Il lui écrit : « Tourne-toi vers le rayon », comme s'il disait: Pour percevoir les choses divines, n'en appelle pas à un autre docteur, à un autre modèle, mais rentre en toi et, par les rayons qui te sont envoyés d'en haut, exerce-toi plus étroitement à contempler les choses divines. De même, en effet, que l'esprit rationnel est plus noble que les autres créatures inférieures, de même la sagesse divine apparaît en lui avec plus de noblesse grâce aux rayons de sa bonté qu'il envoie.

6. Je ne parlerai pas du troi­sième rayon: la source même de toute bonté et de toute béatitude y apparaît ; cela se réalise lors du rapt…

12. [195] Mais cela convient proprement à l'épouse encore éloignée de l'époux ; elle est encore comme distante, elle désire par d'insatiables soupirs lui être unie, ce qu'elle obtiendra en toute plénitude dans la tranquillité de la vie une fois séparée du corps. Selon cette sagesse anagogique se développe le Cantique des Canti­ques -, lorsque l'épouse dit: « Qu'il me baise d'un baiser de sa bouche ; attire-moi après toi, etc. Viens, mon bien-­aimé. Sortons dans les champs, etc. » Ces demandes ne sont autres que les désirs enflammés et les affections incessantes qui provoquent plus vivement le bien-aimé, afin d'en obtenir avec plus de succès d'être élevée vers lui. Il en est ainsi également de l'époux qui s'adresse à l'épouse en disant: « Ouvre-moi, ma soeur épouse. Viens du Liban, viens ... Lève-toi, hâte-toi, mon amie... » Ces propos de l'époux ne sont rien d'autre que les brillants rayonnements qu'il envoie pour inciter sans arrêt l'affec­tivité à former d'ardents désirs et d'incessants soupirs. En effet, cet art anagogique dont on traite présentement, s'acquiert plutôt par l'union d'amour.

[199] 14. Par exemple, un père n'est, à la lettre, rien d'autre que celui qui par émission de quelque chose de soi engendre un fils…

26. [223] De même en effet que l'âme est la vie des corps, de même l'amour est la vie des esprits. […] Cette vie ne durera pas un moment du temps comme celle du corps ; elle s'étendra sur toute la durée des jours, toujours et à jamais. L'amour dont en vivant l'âme commence à aimer totalement l'époux ne cessera pas en effet à l'avenir ; il augmentera au point que s'accomplisse alors la parole prophétique que le Très-Haut en personne a prononcée par la bouche d'Isaïe, « Le Seigneur dont le feu est en Sion et la fournaise en Jérusalem. »

[239] 32. On désigne également par « dettes » ce par quoi, pour juste raison, nous devenons débiteurs obligés de quelque peine, lorsque l'esprit est insuffisamment dirigé vers celui qui est la vraie béatitude, tandis qu'il cherche délibérément le repos ailleurs qu'en celui qui est seul le consolateur très riche et suffisant du désir de l'esprit humain. La Vérité affirme donc elle-même sa plénitude en invitant les autres à en appeler à sa suffisance : « Venez à moi, dit-elle, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau » en l'exercice laborieux, cependant agréable, des affections supérieures. En effet, à cause du prolonge­ment de l'exil et de la misère, à cause de l'ajournement de la gloire vous vous dites fatigués et ralentis par le pesant fardeau du corps. « Je vous referai », moi, non un autre, moi qui suis la Sagesse éternelle, née d'en haut ; je vous donnerai non seulement plus tard, mais maintenant même les consolations divines qui apaisent vos désirs. « Je suis doux et humble de coeur` » : je m'incline donc vers ceux dont les désirs continuels provoquent ma prodigalité, sans mépris pour les pauvres, car « je suis humble de cœur », car plus l'esprit aura été pauvre des richesses de la terre, plus rapidement en l'unissant à moi, je l'élèverai vers les noces royales, devenu quant à moi plus semblable à lui au-dessus des limites de la nature humaine. Cela ne l'attendez pas de la spéculation, mais voyez-le par le goût qui la précède. Vous ne verrez pas en effet, à moins que vous n'accomplissiez cette parole du Prophète : « Goûtez et voyez que le Seigneur est bon. » En effet, ce sera alors repos et alors cessera proprement le murmure de l'âme

 

[241] …qui aspire, lorsqu'elle sentira se reposer en elle le Créa­teur qui seul est plus grand qu'elle. C'est ce qui est dit ensuite : « et vous trouverez le repos pour vos âmes (Matth. 11, 29 ) », et alors « le joug » de l'amour sera « doux », et « son fardeau léger (Matth. 11, 30) ». Car par sa beauté et son joyeux attrait le joug de l'amour lie intérieurement la volonté de telle sorte que celui qui incline son cou pour soutenir ce joug très doux n'éprouve aucune peine.

33. Ceci va à l'encontre des autres jougs. La preuve très manifeste en est chez ceux qui le portent. De fait, le cou de ceux qui en supportent un autre s'incline sous lui, alors qu'il élève celui-là qui s'y soumet au point de faire habiter dans les cieux ceux qui séjournent sur terre. En nous haussant au-dessus de nous-mêmes, il nous rend concitoyens des esprits supérieurs. On le dit donc, en vérité, « léger », car il soulève l'esprit au-dessus des réali­tés inférieures et, en le dressant au-dessus de lui-même vers les réalités supérieures, il l'allège. On le dit « doux » également, car celui qui le porte vit la vie des anges, non celle des hommes ; ce qu'il obtient maintenant de façon assez imparfaite, il l'obtiendra en toute plénitude et heureusement lors de la séparation de l'âme et du corps.

34. On le dit « doux » encore, parce qu'il fait vivre à l'âme cette vie amère en si grandes liesses et joie inté­rieure que la vie de gloire commence déjà pour elle, au point que la joie de l'esprit, en les absorbant totalement, dépasse par sa surabondance les souffrances du corps.

[247] 38. La troisième raison pour laquelle elle demande à être libérée du danger est que l'esprit uni à Dieu ne cherche pas ce qui est sien, mais suit son maître bienfai­sant « qui fait lever le soleil sur les bons et sur les méchants », c'est-à-dire qu'il envoie sur les bons les rayons de sa bonté et précisément par eux il les attire vers lui. Mais il les envoie aussi sur les méchants, tandis qu'il attend dehors, comme le rayon du soleil attend devant la fenêtre fermée. Il ne retranche rien de la nature de sa bonté, mais il frappe sans arrêt, de peur que par la faute du donateur lui-même aucun esprit rationnel, chrétien, infidèle ou juif, n'endure la privation de l'amour divin. Ayant vu la ruine infinie des âmes, celui qui aime fidèlement travaille très attentivement dans la prière intérieure, mais également en tout exercice spirituel à ce que tous les morts soient éveillés à la vie de l'amour et à ce que tous ceux qui furent aveuglés parviennent à connaître la très éclatante vérité divine. Puisque donc l'esprit uni à Dieu peut, en raison de l'amitié, obtenir du bien-aimé de très nombreux bienfaits pour les pécheurs - c'est le propre des amis fidèles et vrais de vouloir et de [249] ne pas vouloir les mêmes choses - et puisque l'esprit s'y applique sans cesse, il peut en priant et en suppliant le bien-aimé arracher aux ennemis un abondant butin et encourir de ce fait leur furieuse indignation. Il demande donc pour tous la libération de leurs liens.

LA VOIE UNITIVE

[13] Entièrement imbibés par elle de rosée céleste, les esprits de ceux qui aiment désirent non pas un avan­tage temporel, non pas quelque don de l'époux - grâce, vertu ou gloire -, mais l'époux lui-même qui est le principe de toute l'émanation déiforme. Par de brillantes affections, d'insatiables désirs, des aspirations unitives, ils souhaitent l'atteindre lui seul, sans rien chercher d'autre.

3. L'élévation par les affec­tions enflammées de l'amour unitif au-dessus de tout office de l'intellect, en la pointe suprême de la puissance affec­tive, est la sagesse qu'on envisage présentement. Elle s'identifie à la théologie mystique par laquelle l'esprit enflammé parle très secrètement au bien-aimé dans le langage des affections. L'industrie d'un mortel ne la ré­vèle pas, mais elle se montre elle-même de façon mani­feste à l'esprit en raison de la seule miséricorde divine. Ces paroles la louent en tant qu'elle est éternelle, en tant que par son immensité elle atteint « d'une extrémité à l'autre », en tant également qu'elle est temporelle dans la mesure où «  elle dispose toutes choses avec douceur », c'est-à-dire les esprits rationnels.

[17] 5. Il l'imite non seulement en tant qu'il existe un ordre des Personnes, non seulement en tant que les actes divins sont éternels, mais en tant que Dieu lui-même, très bienheureux, est le principe fontal de l'esprit angélique et de l'esprit humain, de la créature sensible et de la créature insensible. L'excellence de la créature n'est donc manifestée que lorsqu'elle fait retour au principe dont elle tire sa première origine. Puisque créé immédiatement par le créateur lui-même, marqué de l'image de la Trinité elle-même, l'esprit rationnel l'em­porte en plus ample dignité sur les autres créatures inférieures, il est par divine décision achevé et reformé quand, l'amour extensif le contraignant à franchir les limites naturelles, il est par l'élévation extatique de l'amour uni à celui dont il sortit originairement, de telle sorte qu'un cercle commence à apparaître en lui, alors qu'il retourne à celui qui est son origine première.

[23] « Le roi m'a introduit dans le cellier à vin » Une fois très parfaitement réalisée l'union supérieure avec l'époux, cet esprit se réjouit de même d'une félicité indicible; mais bien qu'il tende plus haut par cette sa­gesse, cet esprit ainsi uni n'éprouve quant à ses mouve­ments anagogiques, et alors qu'il s'exerce actuellement, aucune douceur ou délectation qui le charme ; - il y a plutôt ici, d'étonnante manière, affliction corporelle - ; il éprouve seulement joie de ce qu'en cette tendance en acte il se dresse directement, sans détours, vers le très bien­heureux lui-même, lieu unique qui correspond naturelle­ment à sa dignité.

9. De ce fait beaucoup, moins expérimentés en cette philosophies, sont donc trom­pés, car ils estiment que la douceur céleste couvre d'abondante rosée l'esprit qui se dresse vers Dieu en ses mouvements anagogiques, alors qu'au contraire il est très laborieusement entraîné vers le haut et que la tension de l'esprit entraîne un certain épuisement du corps, une séparation spirituelle, ainsi qu'une tension des membres du corps en raison de la violence de ces mouvements, selon cette parole de Job : « Mon âme préfère la mort [25] violente : mes os appellent le trépas. » Le corps ne pour­rait donc supporter les élans anagogiques sans grande souffrance, si celle-ci n'était tempérée par la joie que donne à l'esprit la rectitude de son aspiration. De même, par son continuel et indivisible exercice, l'esprit bienheu­reux éprouve eu égard au bien suprême comme une douceur éternelle. Mais l'esprit non bienheureux s'élève par degrés et d'intense façon vers le bien suprême ; son mouvement ressemble très exactement à l'éclair d'un astre qui brille, si l'envoi de tels éclairs résultait d'une libre volonté, car ces mouvements anagogiques sont pour ainsi dire subits, de telle sorte que sitôt après son éléva­tion l'esprit tombe, s'élève de nouveau et de nouveau, et de nouveau retombe en dessous de lui-même.

[35] 18. Non seulement par cette sagesse les vertus ob­tiennent une prééminence par­faite. Elle met aussi l'esprit au-dessus de toute philosophie, de toute investigation rationnelle, de toute spéculation et même de toute recher­che théologique

[37] le monde entier est comme un petit jeu en qui la beauté apparaît très peu en comparaison de l'esprit angélique et de l'esprit humain.

[45] 24. Par cette sagesse on acquiert également la justice parfaite. En effet, la vraie jus­tice consiste à rendre à Dieu ce qui est sien, ainsi qu'à soi-même et au prochain. De fait, par elle on rend à Dieu ce qui est sien. Par n'importe quel mouvement d'élévation l'âme est mise en sa présence ; elle cherche aussi par affection d'amour ce qui est à Dieu, non ce qui est à elle; il ne s'agit pas de dilection vraie quand celui qui aime n'aime pas le bien-aimé plus que lui-même. En outre, l'amour même ne permet à l'esprit de se reposer qu'en celui qu'il aime ; en effet, de même que le poids de la pierre ne lui permet pas de se reposer tant qu'elle n'a pas atteint la terre, son lieu naturel, de même l'amour spirituel ne permet pas non plus de se reposer en un autre qu'en Dieu seul, terme naturel de tous les esprits au-delà duquel rien n'est désiré.

25-26. [47] La perfection suprême existe donc pour l'âme qui aime, lorsque celui qui est la source de toute sagesse - toute sagesse ou science créées dans les êtres supérieurs et inférieurs viennent de lui - daigne habiter par lui-même spirituellement l'esprit. Plus véritablement que ne de­meure quelqu'un en un lieu matériel, Dieu habite donc en l'âme qui l'aime d'une habitation spirituelle, car «  Dieu est charité et celui qui demeure dans la charité » - elle est l'amour véritable – «  demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. »

30. [53] …il enseigne à atteindre la connaissance im­médiate, non par le miroir des créatures, ni par l'investi­gation de l'esprit ou l'exercice de l'intellect, mais par les aspirations enflammées de l'amour unitif. Par elles, alors que nous vivons encore dans la misère, nous goûtons à l'avance, infailliblement, non seulement que Dieu existe, mais encore qu'il est Dieu lui-même, très bienheureux, principe, origine de toute béatitude.

[71] 43. Quelles sont ces récompenses ? La phrase précé­dente le suggère. « Une mesure », dit-elle, car l'amour, à savoir la parfaite union de l'amour, est donné à quiconque se dispose très attentivement à en être pénétré - est proprement « mesure » celle-là seule qui mesure la quan­tité de l'âme - afin d'acquérir plus aisément et plus parfaitement l'union plus parfaite désirée et aussi de désirer plus ardemment. Le Très-Haut lui-même s'intro­duit en la pauvresse selon « la mesure » de ses désirs, apportant avec lui des cadeaux. Est vraiment « bonne » la « mesure » qui élève l'affectivité de l'esprit, unissant celui qui aime au Dieu éternel, non pas au bien participé, mais au bien souverain, amour déifiant l'esprit qui lui est uni d'une bonté plus grande, de telle sorte que par lui seul soit dit bon et meilleur tout esprit angélique et humain en qui l'amour, qui transforme la créature en le Créateur, aurait très abondamment déversé son trop plein ;

50-51. [83] …toute la délectation charnelle ou toute la consolation terrestre ne lui suffit pas, bien que parfois, même contre ce qui lui est naturel, il s'en occupe lamenta­blement. La raison en est que, s'il est vrai, tout délectable apaise le désir ou la tendance de celui qui convoite. Mais aussi agréable qu'on le puisse estimer, tout ce qui est terrestre laisse le désir famélique et totalement insatis­fait, sauf peut-être pour une heure, ainsi qu'on le constate sensiblement chez tous. Jamais donc la tendance du désir ne se repose dans les plaisirs du monde. Que fera donc l'esprit dont on a parlé ? Il ne lui reste qu'à se hâter vers l'union de présence de celui-là seul qu'il trouve meilleur que lui-même, qui seul possède, caché en soi, le trésor de la joie. Qui a découvert ce trésor par connaissance expé­rimentale « s'en va, vend », dans la joie, « tout ce qu'il a et il achète ce champ (Matt 13, 44)».

54-55. [89] Denys dit donc : « Quand l'esprit s'éloignant de tout le reste, se quittant lui-même ensuite, est uni aux rayons plus que brillants, illuminé de la lumière inscrutable et profonde de la Sagesse. (Div. Nom. c.7) » Il dit donc l'esprit « uni » avant de le dire « illuminé par la Sagesse inscrutable », pour suggérer à tout esprit qu'en ce qui concerne les profondeurs inscrutables, la vérité n'est tout à fait connue qu'en l'être suprême, inaccessible aux yeux qui se couvrent de brouillard, moyennant l'union de l'amour.

[91]. 56. Tels sont donc les deux bras par lesquels l'éléva­tion de l'esprit reçoit l'accroissement des affections nom­breuses. D'un côté en effet il se prépare en se disposant ; d'un autre, en provoquant l'influence divine, il mérite de parvenir moyennant son don gratuit à des biens plus grands et plus abondants que ceux qu'il a déjà reçus. Parce qu'il ne s'attribue pas en effet les choses qu'il possède, mais les fait toutes tourner à la louange du dispensateur de toutes choses, il creuse en soi une conca­vité en luttant contre soi-même avec plus de vérité. Par elle, l'abondante pluie des grâces divines, franchissant monts et collines, s'introduit dans les endroits moins élevés, de telle sorte que plus grande aura été la concavité de l'humilité, plus elle sera capable de recevoir une grâce plus abondante. Autant en effet une créature reconnaît son principe, s'annihilant elle-même comme créée du néant, autant elle reconnaît la magnificence du Créateur, puisqu'à lui seul elle attribue tout être et tout bien. Il est donc dit justement : « Dieu résiste aux superbes, mais il donne sa grâce aux humbles (I Pierre 5, 5). »

72-73. [117] La réflexion sur la chair du Seigneur est donc la porte pour pénétrer jusqu'à l'amour divin caché au dedans.

[133] 83. Cette élévation dite « par                ignorance » n'est rien autre qu'être mû immédiate­ment par l'ardeur de l'amour, sans miroir d'aucune créa­ture, sans réflexion préalable, sans même un mouvement concomitant de l'intelligence.

[135] 84. Il y a donc une triple connaissance. L'une utilise le miroir des créatures sensibles.[…] Une autre enseigne par l'exercice de l'intelligence, grâce à l'envoi de rayons spirituels, à connaître la cause première par son effet et à parvenir par la considération de l'exemplaire à la vérité immuable de tout ce qui a un exemplaire. […] La troisième connaissance l'emporte beau­coup en excellence sur elles, grâce à l'amour unitif très ardent qui fait que l'esprit, actuellement disposé, s'élève sans aucun intermédiaire très ardemment vers le bien­-aimé par ses extensions qui le poussent vers le haut.

88-89. [141] En cette connaissance mystique où règne l'affecti­vité, il est ordonné d'aban­donner radicalement les sens et l'intellect, d'abord du côté des forces même d'appréhension, là où Denys dit : « Les sens et les opérations intellectuelles » ; deuxième­ment, du côté des objets eux-mêmes, sensibles et intelligi­bles, lorsqu'il dit: « Les réalités sensibles et intelligi­bles ». Mais pour qu'il ne semble pas absurde de devoir abandonner les sens, Denys ajoute cette raison : cette sagesse n'est pas comme une autre science qui procède d'une connaissance préalable des choses sensibles ; elle est plutôt d'en haut, selon le principe du bienheureux apôtre Jacques : « Tout don excellent et toute grâce parfaite descendent d'en haut, etc. »

89-90. [143] …qu'il est nécessaire à l'âme de se dépouiller pour ainsi dire elle-même d'elle-même, de poursuivre sans relâche, tel un valet, l'amour accordé divinement à l'affectivité.

91-92. [147]  …l'excellent docteur, le commentateur vercellien de la Théologie Mystique, dit: « En ce livre, Denys a présenté une autre manière incomparablement plus pro­fonde, supra intellectuelle et supra substantielle, de connaître Dieu. Le philosophe païen ne la connut pas, car il ne la chercha pas et ne pensa pas qu'elle existât ; il ne découvrit pas la puissance selon laquelle elle est répandue en l'âme. II estima que la puissance cognitive la plus haute réside en l'intellect, alors qu'il en est une autre qui ne dépasse pas moins l'intellect que celui-ci ne dépasse la raison ou celle-ci, l'imagination, à savoir l'affectivité principale. Elle est l'étincelle de la syndérèse qui seule peut être unie à l'Esprit-Saint. » A cause de cela, puisque l'affectivité suprême de l'esprit suspend incomparable­ment l'office de tout l'intellect, il est prescrit de séparer d'elle celui-ci, d'éliminer non seulement les opérations, en tant qu'elles proviennent des puissances sensitives ou intellectives, mais encore leurs objets, c'est-à-dire tous les sensibles et tous les intelligibles ; d'abord, ceux que perçoit le sens externe. En effet, la créature étant compo­sée de deux natures, corporelle et spirituelle, un objet correspond à chacune, puisque la vérité éternelle est perçue selon la capacité de chacune.

98-99. [159] …puisque toute appréhension dont on a déjà parlé est en dehors de l'élévation mystique, il faut cependant qu'en celle-ci il y ait ignorance, c'est-à-dire qu'il faut détruire absolument l'œil de l'intellect qui veut toujours en cette élévation appréhender ce vers quoi tend l'affectivité. En cette élévation, la plus grande résistance est donc l'intense adhésion de l'intellect à l'affectivité, adhésion qu'il est toutefois nécessaire de supprimer en s'y exerçant gran­dement. On en a donné plus haut les raisons : l'intellect connaît soit en imaginant, soit en limitant ou selon un mode fini. Comment cela peut-il se faire ? On le lit dans la Théologie Mystique : « Élève-toi dans l'ignorance ». Là en effet l'élévation et l'intensité de la tendance de l'affecti­vité laissent l'intellect derrière elles. L'élévation affective pure n'existe donc jamais, si l'œil de la puissance intellec­tive n'est pas supprimé complètement. Cela est dit au début même de la Théologie Mystique.

[165] 104. Il est dit ensuite à qui s'élève de la sorte: « Élève-­toi dans l'ignorance », c'est-à-dire en vue de l'union de ce Très-Haut qui est au-dessus de l'esprit et de la connais­sance. La raison en a été donnée plus haut, partiellement. En effet, les désirs de cette élévation active ne portent ni sur la grâce, ni sur la gloire, ni sur la remise des peines ou sur quelque chose d'autre, mais sur celui là seul auquel seul, à cause de lui-même, l'esprit, dans le mépris des désirs véhéments, désire être uni. Acquis par cette ap­préhension en tant qu'il est perçu par l'affectivité qui tend vers lui, il est atteint au-dessus de tout esprit et de toute connaissance humains, de telle sorte que cela ne concerne pas seulement son être, mais encore la façon de l'appréhender. Ainsi qu'on l'a assuré, lorsqu'il est atteint par l'affectivité, il est conduit au-dessus de l'esprit et de la raison.

105. Toute cette sagesse trouve donc sa perfection en cela seulement que la puis­sance affective en sa pointe suprême, par retranchement de toute opération intellectuelle, ne désire rien d'autre qu'être unie à Dieu seul. Parce que cela est difficile, il est ajouté: « Autant qu'il est possible », jusqu'à ce qu'elle puisse dire avec le Psalmiste : « Seigneur, les liens se sont rompus. Je t'offrirai en sacrifice une hostie de louange. » En effet, lorsque, grâce au secours divin, sont supprimés les empêchements dont on a parlé, tous les sensibles, tous les intelligibles et principalement l'immixtion de la puis­sance intellective qui veut toujours appréhender celui vers qui tend l'affectivité - ces empêchements sont comme des liens qui s'opposent à la perfection…

105-106 [167] …libre alors comme un oiselet, la puissance affective qu'emportent les seules ailes des affections ardentes jouit d'une liberté si grande que chaque fois qu'elle le veut très ardemment elle est mue vers Dieu ; ainsi également celui qui prie par le désir des affections prie en l'affectivité de l'esprit autant qu'il est possible alors qu'il est en chemin, avec autant d'attention que s'il le voyait face à face. Il arrive même que l'esprit soit ainsi élevé au-dessus de lui-même, qu'il paraisse en quelque sorte totalement hors du corps par son mouvement et son élévation. […]

106. C'est identiquement affirmer que cette sagesse qui est par ignorance, ainsi qu'on l'a montré, est perçue par l'enseignement de Dieu seul ; que dans la mesure où l'af­fectivité reçoit plus de paroles théoriques, à savoir d'in­fluences divines grâce auxquelles l'esprit se réjouit uni­quement de sa causerie avec le bien-aimé, dans cette mesure Dieu lui-même seul se rend plus intimement présent à l'esprit pour en être lui-même, qui est la vraie sagesse, plus clairement connu grâce à de plus divins rayons.

LA QUESTION DIFFICILE

43-44  [225] …en descendant l'affectivité est mue vers Dieu par l'amour, avant que l'intellect ne perçoive ce que sent l'affectivité.

[213] 30. Enfin toute méditation ou contemplation a pour terme l'affection souhaitable. Non suivie d'amour, une méditation ou contemplation est donc peu utile ou inutile. C’est pourquoi Augustin assure qu'on ne peut pas réflé­chir en allant et venant, en méditant, mais on peut adhérer en aimant, en admettant que la réflexion ou la méditation précède toujours l'amour. En second lieu également, sans aucune autre créature, l'âme fidèle aime Dieu grâce à la seule connaissance réflexive qu'il envoie.

48-49. [233] … Je considère le mouvement de la pierre qui par son poids descend naturellement vers son centre. De même, dispo­sée par le poids de l'amour, l'affectivité s'élève vers Dieu sans aucune connaissance réflexive ou délibération, comme s'il elle se tendait vers son centre et, par ces mouvements, elle s'élève en un continuel désir ; elle at­teindra dans la béatitude éternelle l'accomplissement de celui-ci et le repos de son regard, à moins que parfois pour un temps, comme il en est dans le rapt, elle ne soit, non par la nature, mais par la grâce, divinement soulevée au-dessus d'elle-même.

 

 



[1] Hugues de Balma, Théologie mystique, SC 408, 1995. [TM].